Comment les agriculteurs nourrissent leurs cultures : engrais bio vs conventionnels
- Alexandra et Yves Planchez
- 22 mars
- 7 min de lecture

Introduction
Pour pousser et se développer, les plantes ont besoin de nutriments essentiels comme l’azote, le phosphore et le potassium. Dans la nature, ces éléments sont présents dans le sol et proviennent de la décomposition des matières organiques.
Mais lorsqu’il s’agit de cultures agricoles, les sols s’appauvrissent plus rapidement en raison des récoltes successives. Pour pallier ce manque, les agriculteurs utilisent des engrais afin de nourrir leurs plantes et d’assurer de bonnes récoltes.
Cependant, tous les engrais ne se valent pas. En agriculture biologique, on privilégie des solutions naturelles comme le compost, le fumier ou les engrais verts. En agriculture conventionnelle, les engrais chimiques de synthèse sont souvent employés pour apporter rapidement les nutriments nécessaires aux cultures.
Mais ces méthodes ont des impacts différents sur la fertilité des sols, l’environnement et même la qualité des légumes produits.
1. Les engrais naturels utilisés en agriculture bio
L’agriculture biologique privilégie des méthodes naturelles pour enrichir les sols et nourrir les cultures. Contrairement à l’agriculture conventionnelle, elle interdit les engrais chimiques de synthèse et mise sur des solutions respectueuses de l’environnement. Ces engrais naturels ont plusieurs avantages : ils améliorent la fertilité des sols sur le long terme, favorisent la biodiversité et réduisent la pollution des eaux.
Le compost et le fumier : recycler pour enrichir le sol
Le compost et le fumier sont deux sources majeures de fertilisation en agriculture biologique.
Le compost :
Il est obtenu par la décomposition de matières organiques (déchets de cuisine, résidus de cultures, feuilles mortes, etc.).
Riche en humus, il améliore la structure du sol en augmentant sa capacité à retenir l’eau et les nutriments.
Il favorise la vie microbienne, essentielle pour la santé des sols.
Il libère progressivement des éléments nutritifs comme l’azote, le phosphore et le potassium.
Le fumier :
Issu des déjections animales mélangées à de la paille (bovins, ovins, chevaux, etc.).
Il est riche en matière organique et en nutriments essentiels aux plantes.
Il doit être composté avant utilisation pour éviter la prolifération de pathogènes et optimiser son assimilation par le sol.
Ces engrais organiques permettent un enrichissement progressif du sol, contrairement aux engrais chimiques qui agissent de manière plus immédiate mais peuvent appauvrir la terre sur le long terme.
Les engrais verts : des plantes qui nourrissent la terre
Les engrais verts sont des cultures spécifiques semées entre deux productions principales pour enrichir naturellement le sol. Leur rôle est multiple :
Améliorer la structure du sol : les racines des engrais verts aèrent la terre et évitent le compactage.
Limiter l’érosion et le lessivage : en couvrant le sol, elles empêchent l’eau de pluie d’entraîner les nutriments en profondeur.
Fournir des nutriments aux plantes :
Les légumineuses (trèfle, luzerne, féverole, vesce…) captent l’azote de l’air et le restituent au sol.
Les crucifères (moutarde, radis fourrager) absorbent les éléments minéraux en profondeur et les rendent disponibles pour les cultures suivantes.
La phacélie et le seigle forment un couvert dense qui empêche la prolifération des mauvaises herbes.
Favoriser la biodiversité : en attirant les pollinisateurs et les insectes auxiliaires (abeilles, coccinelles…).
Après leur croissance, ces plantes sont fauchées et enfouies dans le sol où elles se décomposent, libérant ainsi leurs nutriments. Cette méthode permet de réduire la dépendance aux apports extérieurs et d’entretenir un sol vivant.
Les amendements minéraux naturels : compléter les besoins du sol
Même en agriculture biologique, certains sols peuvent présenter des carences en minéraux essentiels. Pour y remédier, des amendements d’origine naturelle sont utilisés avec parcimonie :
Les poudres de roche (basalte, phosphates naturels) :
Apportent des oligo-éléments essentiels à la croissance des plantes.
Améliorent la rétention d’eau et la structure du sol.
Le lithothamne (algue calcaire) :
Riche en calcium et magnésium, il corrige l’acidité des sols trop acides.
Stimule l’activité microbienne bénéfique.
Le soufre et la chaux naturelle :
Utilisés pour équilibrer le pH du sol et améliorer l’assimilation des nutriments.
Ces apports minéraux sont intégrés dans une démarche globale visant à préserver l’équilibre naturel du sol, sans excès, afin d’éviter toute pollution ou déséquilibre biologique.
Un enrichissement du sol sur le long terme
Grâce à ces méthodes, l’agriculture biologique mise sur une fertilité durable plutôt que sur une stimulation artificielle des cultures. L’amélioration progressive du sol permet :
Une meilleure rétention des nutriments et de l’eau.
Une augmentation de la biodiversité des sols.
Une production de légumes plus savoureux et nutritifs.
En somme, les engrais naturels ne se contentent pas de nourrir les plantes : ils préservent la terre pour les générations futures.
2. Les engrais chimiques en agriculture conventionnelle
Contrairement à l’agriculture biologique, l’agriculture conventionnelle utilise largement des engrais chimiques de synthèse pour maximiser les rendements. Ces engrais sont conçus pour apporter rapidement aux plantes les nutriments essentiels, mais leur usage intensif a des conséquences sur l’environnement et la qualité des sols.
Les engrais chimiques : une fertilisation rapide mais artificielle
Les engrais chimiques sont principalement composés de trois éléments nutritifs majeurs :
L’azote (N) : essentiel à la croissance des feuilles et des tiges. Il est souvent sous forme de nitrates ou d’ammonium, facilement assimilables par les plantes.
Le phosphore (P) : favorise le développement des racines et la floraison. Il est extrait de minerais et transformé en phosphates solubles pour être rapidement absorbé.
Le potassium (K) : renforce la résistance des plantes et améliore la qualité des fruits et légumes. Il est issu de gisements minéraux et intégré aux engrais sous forme de sels solubles.
Ces engrais sont souvent vendus sous forme de mélanges appelés NPK, où les proportions de chaque élément sont adaptées aux besoins des cultures (exemple : 15-15-15 signifie 15 % d’azote, 15 % de phosphore et 15 % de potassium).
Les impacts des engrais chimiques sur les sols et l’environnement
Si les engrais chimiques permettent une croissance rapide des plantes, leur utilisation intensive entraîne plusieurs conséquences négatives :
Appauvrissement des sols :
Contrairement aux engrais organiques, les engrais chimiques ne nourrissent pas la vie du sol. À long terme, cela réduit l’activité des micro-organismes et dégrade la structure du sol.
L’absence de matière organique entraîne une baisse de la fertilité naturelle des terres, nécessitant toujours plus d’apports artificiels.
Pollution des eaux et écosystèmes fragilisés :
L’excès de nitrates issus des engrais azotés se retrouve dans les nappes phréatiques, contaminant l’eau potable.
Ce phénomène favorise également l’eutrophisation, une prolifération excessive d’algues dans les rivières et les océans, qui appauvrit l’eau en oxygène et nuit à la faune aquatique.
Émissions de gaz à effet de serre :
La production des engrais azotés nécessite beaucoup d’énergie et émet du dioxyde de carbone (CO₂).
Une fois épandus, ces engrais libèrent du protoxyde d’azote (N₂O), un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO₂.
Dépendance des agriculteurs :
Les engrais chimiques sont issus de l’industrie pétrochimique et leur prix est fortement influencé par le marché mondial.
Cette dépendance expose les agriculteurs aux fluctuations des coûts et les oblige souvent à augmenter les doses pour maintenir les rendements.
Vers une utilisation plus raisonnée des engrais chimiques ?
Face à ces enjeux, certains agriculteurs conventionnels cherchent à réduire leur dépendance aux engrais chimiques en adoptant des pratiques plus durables, comme :
La fertilisation raisonnée : ajuster les apports en fonction des besoins réels des plantes pour éviter les excès.
L’agriculture de conservation : privilégier le travail minimal du sol et l’apport de matière organique pour restaurer sa fertilité.
Le recours aux engrais organo-minéraux : mélanges d’engrais naturels et minéraux pour limiter les impacts négatifs sur l’environnement.
Toutefois, l’agriculture conventionnelle reste largement dépendante des engrais de synthèse, contrairement à l’agriculture biologique qui mise sur des solutions naturelles et durables.
3. Comparaison entre engrais naturels et engrais chimiques : quels enjeux ?
L’utilisation des engrais est au cœur des pratiques agricoles, mais le choix entre engrais naturels et engrais chimiques soulève de nombreuses questions. Impact sur l’environnement, santé des sols, qualité des légumes… Comparons ces deux approches pour mieux comprendre leurs enjeux.
1. Composition et mode d’action
Engrais naturels :
Composés de matières organiques (compost, fumier, engrais verts) ou minérales naturelles (poudres de roche, lithothamne).
Libèrent progressivement les nutriments, favorisant une fertilisation sur le long terme.
Enrichissent le sol en matière organique et stimulent l’activité biologique.
Engrais chimiques :
Produits industriels composés de sels minéraux solubles (nitrates, phosphates, potasse).
Fournissent des nutriments immédiatement assimilables par les plantes.
Action rapide mais sans apport de matière organique, ce qui peut appauvrir les sols à long terme.
2. Impact sur la fertilité des sols
Engrais naturels :
Maintiennent et améliorent la structure du sol en nourrissant les micro-organismes.
Augmentent la capacité du sol à retenir l’eau et les nutriments.
Préviennent l’érosion et réduisent la nécessité d’intrants extérieurs.
Engrais chimiques :
Peuvent provoquer un épuisement des sols en détruisant la vie microbienne.
Leur usage prolongé entraîne un phénomène de lessivage, où les nutriments sont emportés par l’eau, rendant le sol moins fertile.
Les terres surexploitées deviennent dépendantes des engrais artificiels pour maintenir des rendements élevés.
3. Impact environnemental
Engrais naturels :
Peu ou pas de pollution, car ils respectent les cycles naturels.
Réduction du ruissellement des nitrates et phosphates, limitant la contamination des nappes phréatiques.
Favorisent la biodiversité en offrant un habitat aux organismes du sol.
Engrais chimiques :
Contribuent à la pollution des eaux par les nitrates, entraînant l’eutrophisation des rivières et des océans.
Leur production industrielle émet beaucoup de CO₂ et de protoxyde d’azote (N₂O), un puissant gaz à effet de serre.
Peuvent intoxiquer la faune et la flore en cas de surdosage.
4. Impact sur la qualité des légumes
Engrais naturels :
Permettent aux légumes de se développer à leur rythme, favorisant une meilleure concentration en nutriments et en saveurs.
Contribuent à une agriculture plus respectueuse du terroir et des saisons.
Engrais chimiques :
Accélèrent la croissance des légumes, parfois au détriment de leur goût et de leur valeur nutritionnelle.
Peuvent favoriser une croissance déséquilibrée, avec des légumes plus aqueux et moins concentrés en micronutriments.
5. Coût et accessibilité pour les agriculteurs
Engrais naturels :
Peuvent être produits directement à la ferme (compost, engrais verts, fumier), réduisant les coûts d’achat.
Nécessitent une gestion plus rigoureuse des rotations et des apports pour optimiser leur efficacité.
Engrais chimiques :
Représentent un coût important pour les agriculteurs, avec des prix fluctuants selon le marché mondial.
Offrent une solution rapide et efficace mais créent une dépendance à l’achat régulier.
Conclusion : un choix déterminant pour l’avenir de l’agriculture
Si les engrais chimiques permettent d’obtenir des résultats immédiats, leur impact négatif sur l’environnement et la santé des sols pousse de plus en plus d’agriculteurs à se tourner vers des alternatives plus durables. Les engrais naturels, en nourrissant le sol sur le long terme, s’inscrivent dans une démarche d’agriculture résiliente et respectueuse des écosystèmes.
Finalement, la question n’est pas seulement celle du rendement, mais aussi de la qualité des cultures et de la préservation des ressources pour les générations futures.
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